J’ai débarqué à Tamatave le 3 septembre 1952, opérateur radio-gonio dans l’armée de l’Air, et terminé mon séjour dans la Grande Ile, au même endroit le 15 avril 1955.
A cette époque, il n’y avait pas de route pour rejoindre Tananarive, située à 250 km: une seule possibilité, un train à voie étroite, qui chauffait au bois et qui mettait 30 heures pour rejoindre la capitale. Je dois préciser qu’Air France ne possédait pas de JU52, et n’avait aucune flotte sur place.
Le grand aéroport était situé à Arivonimano, à 50km de Tana, desservi par les stratoliners de la compagnie Aigle Azur
Le trafic intérieur civil dans l’île, dont beaucoup d’endroits n’étaient pas desservis par voie terrestre, était assuré par une petite compagnie civile AIRMAD qui possédait quelques appareils hétéroclites, qui ne dépassaient pas la dizaine, surtout composés des célèbres De Havilland Dragon rapide, un bimoteur en toile, pouvant emporter quelques passagers.
Bimoteurs Dassault MD 315 en vol – Au sol, quelques Junker
Par contre, sur la Base Aérienne 181 Tananarive-Ivato stationnait, le GAM 50 (groupe aérien mixte) composé de l’EOM 85 (escadrille d’outremer) des Dassault 315 équipés de deux « 50 » (mitrailleuses 12.7) et du GLA 45 (groupe de liaison aérienne) des Junkers 52, une quinzaine environ. Le général gouverneur de l’ile se déplaçait avec un DC3 le F-OAIE, le génésuper, chef interarmes, étant le général Landouzy.
Nous recevions souvent la visite de l’Amiral Barjot, qui commandait la zone stratégique de l’océan Indien, un personnage haut en couleur, as de l’aéronavale, quelque peu ventripotent, mais quelle prestancequand il nous passait en revue, son sabre à la main.
En 1953, nous avons eu la visite du général de Gaulle, c’était durant sa traversée du désert, il avait alors effectué un tour d’Afrique…
Nous avons assisté à la démonstration et la présentation en vol en 1954, du nouvel avion de transport de l’Armée de l’Air, le Nord 2501 qui nous avait fortement impressionnés. J’étais membre de l’équipe de rugby de la base, et nos déplacements se faisaient avec La Julie. Or, une équipe est composée de quinze joueurs et un entraineur, et l’avion ne pouvait transporter que seize personnes équipage compris. Pour y arriver, il fallait donc avoir des navigants-joueurs, difficile, mais on y parvenait. En plus des militaires, nous affrontions aussi des équipes malgaches, dépassés certes en technique, mais physiquement, ils nous asphyxiaient.
Bateau "SS Eridan" à cheminées carrées...
La baie de Diego Suarez considérée comme une des plus belles du monde était un enchantement, un survol à basse altitude à seulement 150 km/h une merveille. L’atterrissage se faisait sur la piste d’Andrakaka, séparé de la ville par un bras de mer. Nous empruntions une grosse chaloupe appartenant à l’armée de l’air, dotée d’un N° d’immatriculation, drivée par un personnage hors du commun, je dirais même hors du temps, sans âge, certainement une bonne cinquantaine d’années, petit, malingre, vêtu d’un boubou délavé, il était toutefois militaire et possédait le grade de sergent. Il vivait là, tutoyait tout le monde, officiers supérieurs compris. Il avait des doigts de fée, un bricoleur de génie, à partir de lames de ressort il fabriquait n’importe quoi.
Une anecdote : durant une traversée il entend un colonel dire qu’il avait cassé une pièce introuvable et de précision dans son fusil de grande chasse. Notre Ancien qui l’entend se tourne vers lui, et laconique lui dit : laisse moi ton fusil! la réparation fut faite dans les règles de l’Art, l’histoire fit le tour de l’île.
Qu’est tu devenu, mon ami, dont personne ne connaissait le prénom…