Salon de Provence, 14 avril 1947. Un temps magnifique sans un souffle de vent, pour l’arrivée du président de la république Vincent Auriol qui, avec sa verve d’avocat et son accent méridional, déclame la citation de l’école rédigée, par le général Bouscat. Puis il décore le drapeau de l’école de la Légion d’honneur et de la Croix de guerre 1939-1945 en présence de tous les anciens qui, en rang serrés, ont tenu à être là. Ils ont fait honneur à l’école et ont porté haut et fier, à travers toutes les vicissitudes de la guerre, la devise des "piégeards": FAIRE FACE.
Ecole de l'aviation, d'un niveau d'exigence très élevé
Le premier parrain du Piège fut le capitaine Georges Guynemer qui donna son nom au bâtiment d’études et dont la stèle orne la façade. Le capitaine Guynemer disait huit jours avant sa mort : « Oui, il y a des limites aux forces humaines, des limites qu’il faut toujours dépasser ».
L'école est ouverte sur concours aux classes préparatoires scientifiques pour les grades d’officiers ingénieurs pilotes et officiers ingénieurs mécaniciens, et aux titulaires du baccalauréat pour les cours spéciaux de formation des officiers pilotes sur contrat. Les filles (surnommées en argot « aspirines ») sont elles aussi prises au piège car, dès 1996, on note des piégeards femmes brevetées. Il est désormais notoire que les combinaisons de vol tiennent compte des rondeurs de ces dames et dans le même ordre d’idée, le siège éjectable a été revu pour recevoir les pilotes des deux sexes.
L’arrivée d’un jeune impétrant au Piège ressemble à ce qui se passe dans toutes les armées du monde, coiffeur avec boule à zéro avec photo à la clé (une vraie gueule de détenu), le paquetage, l’infirmerie et les chambrées. On lui explique avec plus ou moins de tact qu’il est « une crasse de meule ». Les méchants vont lui apprendre en peu de temps l’art militaire de marcher, de se présenter, et autres petites brimades ordinaires… La brigade est encadrée par un capitaine provenant d’une unité aérienne, d’un brigadier qui est le catalyseur de motivation, et du chef de la promotion, l'élève le plus ancien.
On demande aux élèves le dépassement de soi
Les premiers cours sont l’occasion d’effectuer quelques marches de nuit avant de partir pour le stage de combat à Ancelle, prés de Gap. Sous la férule d’un commando de l’air, des cours sont donnés sur le corps à corps, le secourisme, le combat de section, le leader-ship d'un groupe de combat. Dix jours après et quelques kilos en moins, retour à Salon de Provence pour enchaîner un stage de parachutisme, au sol et avec saut d’un Transall en automatique qui va familiariser le poussin avec un pébroque (parachute). Puis, c’est la dernière marche avec les aspis d’encadrement (les zeffs), « la marche aux pères » qui permettra au poussin de trouver son « père tradi ». De retour au Piège c’est la cérémonie « délire » où le père tradi remet la « pucelle » au poussin. Cette pucelle, le gars devra aller la chercher au fond d’un récipient aussi bizarre que divers rempli d’un liquide de composition secrète, puis c’est le repas où les aspis font le service du vin; grosse fatigue !!! et pour finir, une virée illégale à Aix en Provence. Après Ancelle, il est de tradition de baptiser les poussins dans le vent des hélices, au moyen de deux Tucano qui, moteurs tournants, vaporisent du champagne sur les bleus et les consacrent comme membres de la famille aéronautique.
Le Piège forme des pilotes militaires d'élite
La vie au Piège va devenir plus régulière, avec des tirs et l'instruction scientifique. On prépare la cérémonie de présentation au drapeau qui clôture les classes, puis la remise des poignards. Première année: cours scientifiques, anglais, sport, séances de tir, escalade, exercice de combat, d’orientation, tir à la grenade, enseignement général et… trois jours de vol à voile. Puis c’est la tradition « du mur » dont on pourrait faire un livre sur les anecdotes dues à l’inventivité des piègeards, la « Strasse » ayant toujours essayé de l’empêcher, sans succès heureusement. Après les vacances, c’est l’année d’aspi qui commence par un stage commando à Mont-Louis pour familiariser l’homme avec les conditions de survie en évasion. Etudes diverses et nomination au grade de sous-lieutenant. Vol en place arrière sur Alphajet.
Troisième et dernière année : formation du personnel navigant ; cours au sol et en vol sur Epsilon à Cognac. Un passage à la sélection de Brétigny et l’heureux veinard revient à Salon, pour un stage de 40 heures sur Tucano, avant de rejoindre l'école de chasse de Tours, s'il est sélectionné pour cette spécialité, les autres intègreront les écoles du transport, de la reconnaissance, du ravitaillement en vol, des hélicoptères. Le piègeard breveté partira en unité pour de nouvelles aventures dans les cieux de France ou d’ailleurs.
Petit lexique de l’argot du Piège :
Aspirine : aspirant féminin
Bétonner : exécuter en s’assurant que c’est bien fait
Blaireau : ignorant
Bœuf : individu travaillant avec tout, sauf son cerveau