Hélie Denoix de Saint Marc naît le 11 février 1922 à Bordeaux.
En février 1941, âgé de 19 ans, il entre dans la Résistance. Intégré dans le
réseau Jade-Amicol, il y sera en activité jusqu'au 14 juillet 1943, date de son
arrestation sur dénonciation, à la frontière espagnole.
Il est déporté au camp de concentration de Buchenwald, puis est envoyé au
sous-camp de Langenstein-Zwieberge où les conditions de vie et de travail des déportés sont épouvantables. Douze heures par jour, ils doivent creuser des
galeries, dépourvues de toute ventilation. La durée de vie des déportés dans cet
enfer est de six semaines. Hélie de Saint Marc, grâce à un mineur venu de
Lettonie qui lui apporte son soutien et son aide, parvient à survivre. Le 13
avril 1945, à la libération du camp par les troupes américaines, le moribond
fait partie des 30 rescapés survivants d'un convoi de 1.000 prisonniers.
Rapatrié en France, il se rétablit et entre à l'Ecole militaire de Saint-Cyr.
En 1948, Hélie de Saint Marc part pour l'Indochine avec le 3e régiment étranger
d'infanterie. Affecté à un poste près de la frontière chinoise, il s'adapte très
vite à ce type de conflit grâce à ses qualités humaines et à l'intérêt sincère
qu'il porte aux partisans vietnamiens et aux prisonniers Viet-minh. Au bout de
dix-huit mois, il est évacué, mais doit, sur ordre du haut-commandement,
abandonner les villageois à leur sort, ce qui sera pour lui une blessure morale
qui ne se refermera jamais. En 1951, Hélie de Saint Marc retourne en Indochine
au sein du 1er bataillon étranger de parachutistes, et prend le commandement de la 2e compagnie indochinoise parachutiste de la légion étrangère, dont les
effectifs sont essentiellement vietnamiens. Il décrit les épreuves qu'il
traverse à cette époque dans les termes suivants :
"Les combats que j’ai connu de 1950 à 1953 au Vietnam furent d’une âpreté et d’une violence que je n’ai plus jamais retrouvées durant ma carrière militaire.
J’ai compris à cette époque le jugement porté par Winston Churchill : « Quand j’étais jeune, la guerre me paraissait cruelle et amusante.
Maintenant, elle me paraît toujours aussi cruelle, mais je sais qu’elle est
abominable.
Parfois, nous avions l’impression que c’était un cauchemar et que nous allions
nous réveiller.
Ceux qui prétendent aimer la guerre ont dû la faire loin du carnage des champs de bataille, des cadavres épars et des femmes éventrées.
La guerre est un mal absolu. Il n’y a pas de guerre joyeuse ou de guerre triste,
de belle guerre ou de sale guerre.
La guerre, c’est le sang, la souffrance, les visages brûlés, les yeux agrandis par la fièvre, la pluie, la boue, les excréments, les ordures,
les rats qui courent sur les corps, les blessures monstrueuses, les femmes et
les enfants transformés en charogne.
La guerre humilie, déshonore, dégrade. C’est l’horreur du monde rassemblée dans un paroxysme de crasse, de sang, de larmes, de sueur et d’urine.
L’irruption du danger, l’entrée dans ces territoires où rôde la mort, oblige à
se hisser à la pointe de soi-même.
Lorsque tout peut se briser en une seconde, l’homme est nu.
Il ne lui reste qu’à être un homme."
La guerre d'Algérie voit le commandant Hélie de Saint Marc servir au 1er
régiment étranger de parachutistes. Lorsque le putsch militaire éclate, en avril 1961, il est de ceux qui doivent choisir entre l'honneur et la discipline.
Marqué par le précédent indochinois, il ne supporte pas l'abandon des harkis et
se range aux côtés des quatre généraux Challe, Salan, Jouhaud et Zeller.
Quelques jours plus tard, il se constitue prisonnier et sera condamné à dix
années de réclusion criminelle, puis incarcéré à la prison de Tulle. En 1966, sa
grâce lui sera notifiée, et en 1978, il sera réintégré dans tous ses droits
civils et militaires .
Hélie de Saint Marc, qui n'a alors que quarante-quatre ans, commence une vie
civile. Il devient directeur des ressources humaines d'un groupe industriel de
la métallurgie et assume cette fonction durant plus de vingt ans. Il devient
ensuite conférencier et publie plusieurs ouvrages, notamment :
Les champs de
braise - Mémoires - Les Sentinelles du soir, Indochine notre guerre orpheline -
Notre Histoire 1922/1945 - Toute une vie.
L'écrivain Laurent Beccaria lui
consacre une biographie: Hélie de Saint Marc.
Grand Croix de la Légion d'honneur, le commandant Hélie de Saint Marc est
titulaire de la croix de guerre des T.O.E., de la croix de la valeur militaire,
de la croix du combattant volontaire de la Résistance et de plusieurs autres
décorations.
Croix de guerre 1939-1945 avec 1 citation
Croix de guerre des TOE avec 8 citations
Croix de la valeur militaire avec 4 citations
Médaille de la résistance
Croix du combattant volontaire de la Résistance
Croix du combattant
Médaille coloniale avec agrafe « Extrême-Orient »
Médaille commémorative de la guerre 1939-1945
Médaille de la déportation et de l'internement pour faits de Résistance
Médaille commémorative de la campagne d'Indochine
Médaille commémorative des opérations au Moyen-Orient (1956)
Médaille commémorative des opérations de sécurité et de maintien de l'ordre Afrique du Nord (1958) avec agrafes « Algérie » et « Tunisie »
Insigne des blessés militaires (2)
Officier dans l'ordre du mérite civil thaïlandais Sip Hoc Chau
Le commandant Elie Denoix de Saint Marc s'est éteint le lundi 26 août 2013 dans sa maison de la Garde Adhémar, dans la Drôme, à l'âge de 91 ans.
PC
* * *
Monsieur de Saint Marc, que diriez-vous aux jeunes d'aujourd'hui?
Je leur dirais que la vie est une aventure formidable,
qu’il faut y croire, mais qu’elle est aussi un combat
et qu’il leur faudra rouler leur propre rocher jusqu’à la dernière heure.
Je leur dirais que rien n’est donné, que rien n’est gratuit,
que tout se conquiert et se mérite
et que, si rien n’est sacrifié, rien n’est obtenu.
Je leur dirais qu’au-delà de ce qui peut apparaître comme l’absurdité du monde,
il faut deviner cette secrète générosité, cette noblesse,
cette mystérieuse et miraculeuse beauté de l’existence.
Je leur dirais qu’il faut découvrir les étoiles qui nous conduisent,
quand nous sommes plongés au plus profond de la nuit;
qu’il faut découvrir le tremblement sacré des choses invisibles.
Je leur dirais que tout homme, toute femme,
a sa propre noblesse, sa propre dignité
et qu’il est important de respecter cela.
Je leur dirais qu’il faut croire à l’avenir de son propre pays.
Je leur dirais que, de toutes les vertus, celle qui me paraît la plus forte
c’est le courage qui consiste à rester fidèle à son rêve de jeunesse.
Je leur dirais que pratiquer ce courage,
c’est peut-être cela l’honneur de vivre.
Hélie de Saint Marc
Extrait des entretiens de Valpré