Georges Clemenceau
Le "Père la Victoire"
De Francis Coque
Château de Versailles
La République et l'Empire
Le Père la Victoire
Cette chanson qui fut célèbre en son temps, a été créée en 1888, par Louis Gaston Ganne qui en composa la musique, inspirée d'une marche militaire. Lucien Delormel et Léon Garnier en écrivirent les paroles.
Un vieux soldat de l'Empire vient d'avoir cent ans. A cette époque, la France n'est pas encore remise de la défaite de Sedan: l'Alsace et la Lorraine sont devenues allemandes et il règne un certain esprit de revanche. L'ancien, qui a obtenu la légion d'honneur pour son engagement dans plus de trente combats durant l'épopée napoléonienne, évoque son passé militaire, ses succès auprès des femmes et exhorte la jeunesse à suivre son exemple lorsque le moment sera venu. Il est assez amusant d'y découvrir que le vieux grognard y vante les bienfaits du vin rouge. Il faut se souvenir qu'à l'époque, le "p'tit canon" que l'on commandait sur le zinc d'un bistrot n'avait rien à voir avec une pièce d'artillerie. Il convient aussi de rappeler que Georges Clémenceau, pour son attitude très ferme durant la première guerre mondiale, et le redressement de la situation militaire qu'il obtint en 1918, fut surnommé "le Père la Victoire".
Cette chanson connut un grand succès, notamment dans les cafés-concerts de l'époque. L'enregistrement de 2 mn qui est proposé ici date de 1908 et l'interprétation est du chanteur Weber.
Nous l'avions surnommé "le Père la Victoire"
Devant son cabaret nous l'écoutions parler.
Or, un jour qu'il voyait des pioupious défiler,
Il nous dit tout joyeux, en nous offrant à boire:
Amis, je viens d'avoir cent ans,
Ma carrière est finie,
Mais mon coeur plein de vie
Bat toujours comme au jeune temps.
Le printemps parfume,
Le jeu, le vin, j'ai tout aimé,
Le gai tintin, le glouglou d'un flacon
Me mettaient folie en tête,
Et lorsque j'étais pompette,
Je me grisais d'une folle chanson.
Mais l'enchanteur
Qui me faisait battre le coeur,
Plan, rataplan, rataplan,
C'était ce bruit-là mes enfants !
Refrain - Vous qui passez là-bas,
Sous cette tonnelle, entrez boire,
Ah ! Buvez, jeunes soldats,
Le vin du père la victoire.
Brillant, vermeil,
Nectar sans pareil,
Il remplit le coeur de vaillance.
Buvez, enfants,
Le vin de mes cent ans.
J'ai soupiré pour Madelon,
Jeannette ou Marguerite.
Mon regard flambait vite
Dès que je voyais un jupon,
Un corsage fripon,
Ou bien un mollet ferme et rond.
Ma lèvre aimait se reposer
Sur un joli menton rose.
C'est une bien douce chose
Que le son clair que produit un baiser.
Pourtant, malgré cela,
Un seul bruit me pinçait là,
Plan, rataplan, rataplan,
C'était ce bruit-là mes enfants !
Certes je fus aimé,
Bichonné par plus d'une belle.
Ah corsage parfumé,
Coeur frissonnant sous la dentelle !
On m'adorait,
Rien ne résistait.
Maintenant adieu la conquête :
C'est pour vous la fête...
Buvez, enfants,
Le vin de mes cent ans.
J'ai vu la guerre au bon vieux temps,
Quand nous faisions campagne,
Là-bas en Allemagne,
A peine si j'avais vingt ans,
Et ce petit ruban,
J'ai dû le payer de mon sang,
Pour mériter ce signe vénéré,
Il fallait à la Patrie,
Trente fois offrir sa vie.
Oui c'est ainsi qu'on était décoré !
Alors un sénateur
N'eût pas vendu la croix d'honneur.
Plan, rataplan, rataplan,
L'étoile était au plus vaillant.
Quand je vois nos soldats
Passer joyeusement musique en tête,
Ah je dis, marquant le pas :
"Comme jadis la France est belle."
Comme autrefois,
Soldats, je revois
Carnot décrétant la victoire.
Marchez à la gloire !
Mes chers enfants,
Revenez triomphants.
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