La chanson Adieu mon pays est née le 29 juillet 1961, sur le navire Ville d'Alger qui ramenait en France métropolitaine Gaston Ghrenassia et sa famille.
Le paquebot Ville d'Alger
Gaston Ghrenassia, connu du monde entier sous son nom d'artiste Enrico Macias, est né à Constantine, en Algérie française, au sein d'une famille juive parfaitement intégrée dans une population multiculturelle et religieuse où les communautés musulmane, juive et chrétienne vivaient en paix. A cette époque, les juifs séfarades représentaient à eux seuls près de la moitié de la population de Constantine. Cette situation se dégrada avec la guerre qui se déroula de 1954 à 1962 et s'acheva avec l'indépendance de l'Algérie, qui fut accordée en 1962, selon les accords d'Evian.
Constantine et le pont Sidi Rached
Enrico Macias était un jeune instituteur qui pratiquait la guitare, avec pour père spirituel en musique Raymond Leyris, le Cheikh Raymond. Celui-ci incarnait l'harmonie entre les cultures orientale et occidentale. Homme universellement respecté, il était devenu pour les indépendantistes un symbole vivant qu'il fallait abattre. Il fut assassiné le 22 juin 1961 sur un marché de Constantine. Comprenant qu'elle n'avait le choix qu'entre la valise et le cercueil, la population non musulmane dut alors se résoudre, le coeur déchiré, à prendre le chemin de l'exil.
Avec la chanson Adieu mon pays, Enrico Macias évoque la désespérance des Pieds Noirs qui durent ainsi tout abandonner et quitter à jamais leur pays natal. Ayant comme base, le Malouf, musique traditionnelle du Maghreb, héritière de la musique arabo-andalouse, cette oeuvre est basée sur des règles intangibles depuis plus d'un millénaire. Cette musique, implantée dans plusieurs grandes villes du Maghreb, et notamment à Constantine, a subi les influences de trois grandes écoles implantées en Espagne: Grenade, Cordoue et Séville.
Le 19 mars 1962, un cessez-le-feu intervenu entre le FLN algérien et le gouvernement français était censé mettre un terme au conflit sanglant qui durait depuis huit années. Et c'est pourtant à partir de cette funeste date, que des actes meurtriers et d'une barbarie inimaginable vont être perpétrés sur le sol algérien contre les "Pieds Noirs", les musulmans pro-français, les harkis restés sur place et certains soldats français désarmés sur ordre. Plus de 100.000 personnes seront ainsi assassinées au cours des mois qui suivirent.
Les paroles de la chanson, très dignes et poétiques, pleines de nostalgie, mettent l'accent sur l'infinie tristesse de cette population, qui quittait sa terre natale pour un voyage sans retour.