Volontaires
d'aujourd'hui... Volontaires de demain ?
= Algérie =
Un aspirant fils de ministre
En fin 1961, alors que j'étais chef du poste de Si-Salah, dans l'Ouest de l'Ouarsenis, je reçois reçu un message radio comme quoi je dois m'attendre à la venue d'une certaine "autorité".
Effectivement, alors que la liaison de ravitaillement n'est prévue que 8 jours plus tard, je vois débouler plusieurs véhicules, principalement des Ferrets. Un capitaine me présente un aspi de l'Etat-major des SAS.
Une opé de grande envergure étant en préparation au QG du régiment situé dans la plaine du Chélif, je n'y ai pas été convié car mon poste étant sur un piton bien en vue des choufs qui rencardent les fells, il m'est difficile de descendre discrètement dans la vallée, ce qui demande par ailleurs un temps assez long sur un chemin tracé par des bull-dozers, et propice aux embuscades. C'est pourquoi je ne suis jamais convié aux réunions préliminaires lors d'opérations projetées à grande échelle.
Par contre, lorsqu'elles ont lieu sur mon secteur, le rôle dévolu à la harka de Si-Salah est d'assurer un bouclage de nuit par exemple d'un village où sont supposés être hébergés des fellouzes, avant que le ratissage des grosses unités ne vienne fermer la nasse.
Algérie:Crapahut dans les montagnes d'ardoise - Collection J.Oudin
Donc, cet aspi ayant entendu parler de la réputation de Si-Salah, a demandé à crapahuter nuitamment avec nous. Sur les coups de minuit, nous prenons un chemin escarpé en direction d'un douar situé à quelques kilomètres, le gentil aspi étant équipé d'une carabine US.
Au bout d'un kilomètre, le voilà qui se ramasse dans un petit ravin. Je reviens sur mes pas, et découvre que dans sa chute il a perdu les deux chargeurs accrochés sur la crosse. A partir de là, pour ne pas risquer de le perdre à nouveau, je le fais encadrer par deux harkis parmi les meilleurs... Le reste de l'histoire a été que l'on a fait chou blanc, faux renseignement sans doute, pendant que les fells allaient rejoindre tranquillement leurs femmes dans un autre douar ?
En 1986, ayant relevé le nom de cet ancien aspi je ne sais dans quel journal, j'apprends qu'il est devenu sous-préfet dans l'Est. J'arrive à l'avoir au téléphone, et après lui avoir décliné mon identité afin de lui rappeler cette nuit épique, son discours est plus que bref: il n'a gardé aucun souvenir de cet épisode !
On peut comprendre pourquoi...
Un ami a émis l'hypothèse que cette opération aurait pu être montée pour faire mousser ce fils de ministre alors qu'on savait à l'avance qu'il n'y aurait aucun danger ? Va savoir...