Il me revient une histoire que je vais vous narrer afin de vous égayer, et nous faire oublier un moment nos tristes réalités.
Il y a bien longtemps, j'étais enfant de choeur. Un jour, lors de la messe de quinze heures du Vendredi Saint, nous recevons pour instruction de Monsieur le Curé, conformément à l'ancienne liturgie, de ne pas utiliser la clochette habituelle, car celle-ci serait d'un son trop gai et primesautier pour accompagner une messe funêbre.
Cette clochette était pour la circonstance, remplacée par une crécelle, la même que celle des lépreux, et c'est cet instrument que le servant désigné ce jour là, c'est à dire votre serviteur, devait utiliser le moment venu.
L'idée saugrenue vint alors au chenapan que j'étais, de couper la languette de bois, ce qui rendit la crécelle muette. Puis, je me fis remplacer par un gamin qui était la gentillesse même mais pas trés fin, et qui se montra très fier de la haute fonction qui lui était ainsi confiée.
Au moment de l'Elévation, le gars prend sa crécelle et la fait tourner...
Pas un son... Le prêtre le regarde de travers, et l'autre, pour lui montrer qu'il n'y était pour rien, lui fait tourner à toute vitesse sa crécelle sous le nez. Tous les morveux présents dans l'église sont écroulés de rire. Le curé est vraiment furieux, et tape dans ses mains pour faire avancer cette messe funêbre qui tourne à la galéjade, avec la participation des paroissiens hilares qui, ayant tout compris, ne manquent pas de s'esbaudir.
Quelques jours plus tard, quand j'ai dû aller à confesse, le moment des aveux fut assez difficile pour moi, mais fort heureusement, la colère du curé étant retombée, je m'en suis tiré avec quinze Pater Noster et dix Ave Maria, ce qui était un prix raisonnable à payer pour un tel sacrilège.
Cette histoire est si vieille que j'espère que Pierrot les Grandes Clés ne s'en rappellera pas, ou que je pourrai bénéficier d'une prescription. Jésus qui en a vu d'autres, m'a certainement pardonné, puisqu'il ne m'a pas foudroyé depuis lors.
Et puis, quand je me présenterai à l'Eternel, je serai encore capable de lui réciter pour obtenir son pardon :
Credo in unum Deum.
Patrem omnipotentem, factorem caeli et terrae
visibilium omnium et invisibilium.
Et in unum dominum Iesum Christum,
A l'époque la messe était en latin, et il m'en reste quelques réminiscences qui assureront, peut-être, le salut de mon âme...