Une aventure vraiment dramatique, qui faillit amener la capture de toute une escadrille, se déroula au camp d’aviation de Châlons sur Marne.
L’escadrille de cavalerie BL2, composée de six monoplaces, reçoit à Nancy l’ordre de se rendre à Champaubert. Malheureusement, les cartes de cette région manquent. Le colonel Courtois, précédemment à la direction de l’aéronautique, dit au lieutenant Mendès, chef de l’escadrille, qui lui en fait la remarque :
- Vous n’aurez qu’à atterrir au camp de Châlons où vous vous débrouillerez.
Cet officier ignorait que l’endroit était alors occupé par les Allemands. L’escadrille part. Une panne empêche le lieutenant Caroni de prendre part au voyage. Le lieutenant Mendès atterrit le premier au but et trouve un cuirassier qui, arrivé au triple galop, lui crie :
- Partez ! Partez en hâte ! Les uhlans sont là !
L’officier n’écoute que son devoir. De même que le commandant d’un navire reste à son bord au moment de l’engloutissement, lui, chef d’escadrille, n’hésite pas. Quel que soit le danger, il restera là ! Il attendra tous ses pilotes qu’il n’a pas le droit d’abandonner.
Escadrille s'apprêtant à décoller pourune mission de reconnaissance
C’est le lieutenant Sommé qui arrive après lui. Il lui explique la situation en deux mots, remet l’hélice en marche, et l’aviateur reprend son vol. Mais une cinquantaine de uhlans qui surgissent dans le lointain ouvrent le feu contre l’appareil qui n’est pas encore à plus de cinquante mètres. Une multitude de balles crèvent le réservoir d’essence. Après quatre minutes de vol, le lieutenant Sommé doit atterrir, mais il est dans les lignes françaises, à l’abri.
C’est ensuite le tour du lieutenant Faurit. Le chef d’escadrille essaie de le mettre en marche, en vain.L’officier quitte alors son appareil, avise une bicyclette, l’enfourche et s’enfuit. Non loin de là, un uhlan qu’il rencontre met sa lance dans les rayons de sa roue avant. Le lieutenant Faurit tombe, réussit à nouveau à s’échapper, mais il est rejoint dans un bosquet par d’autres Allemands. Nos ennemis se montrèrent d’ailleurs corrects en la circonstance. Une fois n’est pas coutume ! L’aviateur ayant demandé à prévenir ses parents qu’il était captif, un pilote allemand s’élança aussitôt dans les airs et projeta une lettre dans laquelle il annonçait l’incident.
Pendant ce temps, le maréchal des logis Vincent arrivait à son tour : le lieutenant Mendès l’attendait encore et remettait l’appareil en marche. Le pilote, pour plus de sûreté, partit en ligne droite et ne s’arrêta que lorsqu’il n’eut plus une goutte d’essence. Pour un peu, les records allaient être battus !
Le lieutenant Mendès restait seul.C’est alors qu’il commença à penser à lui. Les uhlans arrivaient, s’élançaient en avant, ils allaient l’atteindre. L’officier ne pouvait plus songer à repartir. Il commença par mettre le feu à son appareil, puis se défendit avec son revolver, seul contre toute la troupe qui l’entourait. Il fit plusieurs victimes, mais succombant sous le nombre, fut tué à son tour.
Les Allemands enterrèrent cet admirable héros à l’endroit où ils l’avaient immolé. Une croix de bois posée par eux porte ces mots :