Inauguration de la plaque
commémorative du commando
François
le 3 mai 2008
Témoignages de Volontaires
Une épopée indochinoise
Nous sommes à « La Tourelle » le quartier général des commandos-marine nageurs de combat, à Toulon. SIMON, PIHAN et CAROFF sont là et SIMON, économe de ses mots, raconte l’épopée de Nin Binh, qu’il a vécue il y a plus de cinquante ans.
De gauche à droite: Caroff, Simon et Pihan à Toulon,
plus de cinquante ans après.
Collection Lucien Henri Galea
29 mai 1951
La forêt qui entoure l’église de Ninh Binh grouille de Viets ; des bruits métalliques et de galopade se font entendre. Les commandos-marine de François sont retranchés dans l’église. Il est 4 heures, l’aube ne va pas tarder à se lever. Les obus de mortier viets tombent sur la petite église. Le toit s’effondre et BARLOY, le tireur au FM ouvre le feu en tirant presque à bout portant sur les Bo-doïs qui montent à l’assaut.
Tien lien, tien lien !
Les canons sans recul de 57 pilonnent ce petit bout de terrain, causant des ravages à la construction dont le toit s’écroule complètement sur les commandos. C’est l’enfer, BASSANI, un jeune quartier maître pousse un grand cri. Il hurle « infirmier !! infirmier ! Je suis aveugle !
Dehors, les cris se mélangent au fracas des armes automatiques et aux explosions de grenades et d’obus de mortier.
Les commandos s’extraient du piège de l’église et foncent pour rompre l’encerclement. Le matelot CHARLOTTE abat un Viet qui le met en joue; il vient de l’échapper belle. Les Viets ont monté une embuscade pour récupérer les fugitifs, mais voyant leur plan déjoué, ils nous arrosent au mortier et à la grenade. Je ressens une douleur à l’avant bras droit. Je viens d’hériter d’un éclat d’obus de mortier. Je vois l’éclat qui dépasse de la manche, j'essaie de l’arracher mais la douleur est trop forte, je décide de le laisser là où il est. Mon bras est paralysé.
Il y a 5000 Viets qui encerclent les 70 commandos. Ils montent à l’attaque et leurs haut-parleurs lancent des slogans « Français rendez vous, Français vous serez bien traités !!! » Quel cirque !
Les commandos ouvrent le feu à 30 mètres. A cette distance ça fait du dégât. Les Viets répliquent par un terrible arrosage d’obus de mortiers.
Chef, vous êtes blessé ! Je n’ai rien senti, un éclat m’a touché au cou et je saigne beaucoup. On me place un pansement de fortune. Nous contre-attaquons, une arme automatique se dresse devant moi mais je n’ai plus que deux grenades, elles explosent sur la pièce et les deux servants sautent en l’air comme deux pantins désarticulés. La dernière rafale du FM ne m’a pas raté, je suis touché à l’épaule. Ma vue se trouble, je ne souffre pas.
Chef ! Chef, qu’avez vous? C’est CAROFF mon quartier-maitre voltigeur qui vient à mon secours. Il me charge sur son dos, s’arrête de temps à autre pour laisser passer des groupes ennemis qui courent dans tous les sens. A bout de forces, à bout de souffle, il me dépose à terre et je lui donne l’ordre de me laisser. Avant de partir, il prend soin de m’allonger à l’abri de la diguette et me recouvre d’herbes sèches.
Je le vois s’éloigner, courbé en deux, au milieu des Bo-doïs. Je ne sais ce qui me tire de mon évanouissement, j’ai mal partout, la lumière du jour me fait mal. Je constate que je suis entièrement nu, les Viets me croyant mort m’ont dépouillé. Ma tête me fait souffrir, j’ai les lèvres sèches, enflées. Je tâte mon visage ; il est tout bosselé. Ils ont cru m’achever en me martelant le visage à coup de crosse. Je suis à nouveau proche de l’évanouissement, je vois mon épouse et mes enfants. Ils m’attendent, je dois m’en sortir. Je rampe pour regarder au dessus de la diguette : horreur !
Il y a une soixantaine de Viets à quelques mètres. J’attends. Je replonge dans l’inconscience.
Chêt, chêt ! (mort, en viet)
Le cauchemar continue, je suis retombé dans leurs pattes et là ils ne vont pas me louper.
Des faces bronzées sont penchées sur moi, leurs yeux en amande accentuent leur sourire. Ce sont des partisans.
Pas chêt, pas chêt, c’est la fin du cauchemar. Un sous-officier européen arrive et me demande : Qui est tu ?
Second maître SIMON Marceau. Je mendie une goutte d’eau, il m’en donne un peu, une nuée d’étincelles me passe devant les yeux et je sombre dans l’inconscience.
Une voix déformée par l’angoisse, par l’émotion :
Chef, eh chef vous n’êtes pas mort, que je suis content ! C’est CAROFF.
- Ben mon vieux, t’a été servi !
L’infirmier, qui commence à me panser, commente mes blessures.
Récit recueilli par Lucien Henri Galea
Inauguration de la plaque commémorative du commando François
Le samedi 3 mai 2008, en présence d'une assistance importante, du commandant et de la Garde d'Honneur de l'Ecole des Fusiliers, de l'Amiral Bernard QUENTIN Président National AFMC et des survivants de l'unité, a été dévoilée la plaque commémorative du Commando "FRANCOIS".
Malheureusement, LH. GALEA créateur-concepteur de cette œuvre – n'avait pas été invité à cette inauguration...
L'Amiral QUENTIN a prononcé un discours très remarqué, faisant l'historique et l'éloge de ce commando annihilé à Ninh Binh, Indochine, le 30 mai 1951.