C’est un volontariat délibéré et
sans faille qui a prédominé au recrutement
de la totalité des effectifs du Bataillon français
mis à la disposition de l’ONU. L’engagement
au Bataillon de Corée symbolisera pour longtemps un
exemple contemporain de combattant volontaire, sacrifiant
ses intérêts personnels à une cause dépassant
la défense du territoire national.
Issus tant des rangs de l’armée active que des
réserves ou du milieu civil, cette unité voit
le jour le 1er octobre 1950 au camp d’Auvours. A sa
tête, le chef de bataillon Le Mire. En quinze jours,
le nombre de volontaires est suffisant, non seulement pour
atteindre l’effectif d’un bataillon, le BF ONU,
mais aussi, en vue d’une éventuelle extension,
d’un petit état-major et d’une unité de
maintenance. Le détachement, baptisé Forces
Terrestres Françaises de l’ONU, sera placé sous
les ordres du général Monclar, volontaire lui
aussi en abandonnant provisoirement ses étoiles de
général de Corps d’armée pour
les cinq galons panachés de lieutenant-colonel. Cinquante
pour cent des officiers sont des réservistes, trente
pour cent chez les sous-officiers et quatre vingt dix pour
cent chez les hommes du rang.
Le 29 novembre 1950, le contingent français, coiffé du
béret noir des troupes de choc, débarque en
Corée et est affecté à la 2ème
DI US, puis intégré au 23ème R.I. du
Colonel Freeman dont il formera le 4ème Bataillon.
Le 29 décembre, il atteint, au nord du dispositif,
la zone des combats de Wonju.
Sous la poussée des forces communistes, la 2ème
DI US a dû abandonner la ville.
Le 9 janvier, les contre-attaques de deux bataillons US échouent.
Le bataillon français engagé dans de farouches
combats, encerclé, repousse quatre assauts successifs
de l’ennemi et se frayant leur chemin au corps à corps
reprend la cote 247. Ce premier fait d’armes assoit
la réputation du « Bataillon de Corée ».
Puis, pendant le seul mois de janvier, le bataillon connaîtra
dans cette guerre de mouvement, une succession de combats
violents et victorieux. Il est bientôt récompensé par
une citation à l’ordre de l’Armée
et par sa première citation présidentielle
américaine.
Le lieutenant colonel Borreil
reçoit une récompense américaine
Photo ECPAD
Du 3 au 15 février 1951, la bataille de Chipyong-Ni
marque l’arrêt de la progression alliée
vers le Nord. Le BF ONU est encore en première ligne.
Il subit de plein fouet la contre-offensive chinoise dans
la nuit du 13 au 14 février. L’ennemi attaque
au son des clairons et des sifflets, les Français
répondent avec des sirènes manuelles et contre-attaquent à la
grenade en hurlant. Les Chinois ahuris s’enfuient.
La nuit suivante, le bataillon US voisin subit le même
assaut chinois. Il est sauvé grâce à l’intervention
massive de l’aviation.
Du 3 au 5 mars, ce seront les furieux combats de la cote
1037 où, après trois jours de durs assauts,
les volontaires français remportent une nouvelle victoire.
L’ordre du jour du 23éme RI US mentionne alors
:
«Le bataillon français s’est élevé à la
hauteur des rares unités d’élite capables
d’enlever une position très fortement tenue, à un
adversaire supérieur en nombre»
Mis quelques semaines au repos, le BF ONU remonte en ligne
début avril. Ce sera pour recevoir le choc de l’offensive
de printemps déclenchée par les Chinois du
22 avril au 12 mai.
Mais les forces de l’ONU sont mieux organisées,
la coordination interarmées est payante. Les Chinois
sont bloqués.
Du 17 au 28 mai, les Sino-coréens relancent leur offensive
mais subissent des pertes incroyables devant la puissance
de l’artillerie et l’action des bombardiers alliés.
Le BF ONU poursuit l’ennemi qui se replie et il est
l’une des premières unités à atteindre
Inje.
Exténué par ses pertes, l’ennemi propose
des pourparlers d’armistice. Le BF ONU est envoyé au
repos.
Un moment de répit
entre deux engagements
Collection Raujouan
La
guerre de position (septembre 1951 – juillet 1953)
Pour la première fois, dans cette guerre de Corée,
l’ennemi utilise des moyens de défense considérables.
Le front sur lequel les Sino-coréens ont réussi à se
maintenir est une ligne de points d’appui constituant
des véritables citadelles.
Dans le secteur du BF ONU, les ordres sont clairs. Les cotes
931 et 851 qui leur font face doivent être reprises à l’adversaire.
Nous sommes le 26 septembre. Les combats des collines baptisées « CREVECOEUR » sont
sanglants. La violence des combats sur des sommets boisés
rend le paysage apocalyptique.
Durant trois semaines, les volontaires ne parviennent pas à se
reposer une nuit complète ni à avoir le temps
de creuser des abris. Dans une attaque de nuit surprise, le
6 octobre, la 2ème compagnie du bataillon coiffe un
des objectifs principaux. Il faudra encore sept jours implacables
et sanglants pour nettoyer les pentes du massif et annoncer
la victoire de Crévecoeur. Mais le bataillon a essuyé de
douloureuses pertes. Suit alors une période de repos
qui permet la première grande relève du Bataillon
après un an de combats impitoyables.
Suit alors une période d’entraînement à une
nouvelle forme du combat imposé par les Sino-coréens
et le relief du terrain. Le Bataillon toujours intégré 23ème
RI US remonte en ligne le 18 juillet. A peine installé,
l’adversaire déclenche une vigoureuse attaque.
Les avant-postes français résistent mais le bataillon
voisin est rejeté de son point d’appui. Il faudra
quatre jours et quatre nuits d’assaut et de contre-attaques,
sous les trombes d’eaux de la saison des pluies naissante,
pour reconquérir le terrain perdu.
Bataille
d’Arrowhead (octobre
1952)
Ce sera un des grands épisodes du séjour du BF
ONU en Corée.
La colline d’Arrowhead commande une large vallée,
route traditionnelle d’invasion vers Séoul.
Les trois compagnies du bataillon sont installées en
ligne dont une sur le sommet de la colline.
Le dispositif français constitue le verrou qui commande
le débouché sur la capitale.
Le 6 au soir, l’attaque se déclenche. Les vagues
chinoises montent à l’assaut des positions françaises,
clairons en tête. Sur la gauche du dispositif, la fourmillière
chinoise tombe sur la section de pionniers du sergent-chef
Graviloff. Tous se battent au corps à corps, comme des
tigres : baïonnettes, grenades, pelles, cailloux, tout
est bon pour défendre la position. « Ne vous en
faites pas, mon colonel, nous tiendrons » lance Graviloff
qui tînt bon, comme tous ses compagnons volontaires qui,
avec lui ce jour-là sont morts en soldats.
Préparation des tirs d'arrêt -
Collection Raujouan
Un appui feu extraordinaire est apporté au Bataillon.
Quatre groupes d’artillerie à une cadence de 6000
coups à l’heure tentent d’écraser
la ruée chinoise qui réussira à planter
deux drapeaux sur les positions françaises mais ils
en seront chassés avant l’aube du 7 octobre. 2000
adversaires seront mis hors de combat.
Sur ce champ de bataille, le bataillon français aurait
dû être anéanti. Grâce à l’héroïsme
des volontaires, ce fut une des plus belles actions d’éclat
de la guerre de Corée.
Après les sérieux combats du 14 février
et ceux du 1er mars dans le secteur de l’Imjin, le bataillon
passe en réserve du Corps d’armée.
Il remonte en ligne le 20 juin 1953 dans le secteur de Chungga-San.
Entraînés à faire face aux ruses de leurs
adversaires, compte tenu de l’imminence de la signature
d’un armistice, les volontaires français sont
plus vigilants que jamais.
Le 18 juillet, l’ennemi lance
une violente et ultime attaque contre les positions françaises.
De violents tirs d’artillerie s’abattent sur le
BF ONU. C’est l’offensive de la dernière
heure pour conquérir un maximum de terrain. La résistance
tenace des Français a raison de l’assaut mené par
deux régiments chinois.
Au matin du 27 juillet 1953, l’armistice
est signé à Pan
Mun Jom.
Lorsque le Bataillon a quitté la Corée pour l’Indochine,
le Commandant en chef des forces des Nations Unies a dit de
lui :
« Vous emportez avec vous le respect et l’admiration
qui ne peuvent être ressentis pour de courageux combattants,
que par d’autres combattants. Les forces du Monde Libre
sont profondément fières de leurs camarades
du Bataillon Français. Bien peu de combattants dans
l’Histoire peuvent se prévaloir de tant de faits
d’armes. La France peut justement être fière
de vous. Il n’y a pas eu de meilleurs soldats en Corée.
Que Dieu vous bénisse ainsi que vos familles »
Un combattant français
Le bras gauche emporté
transporté au centre de secours
Photo ECPAD
Héritiers de leurs aînés
de la Marne et de Verdun
Les volontaires français ont
démontré qu’ils étaient les héritiers
de leurs aînés de la Marne et de Verdun
Sur tous les champs de bataille
Où il avait rendez-vous avec la mort,
Le Bataillon de Corée n’a jamais fléchi.
Chacune de ses actions a toujours été
Une victoire sur lui-même,
Car il n’est pas facile de rester
Pendant trois ans prisonnier de sa gloire
À
plus de 20 000 kilomètres
De la Mère Patrie.
262 morts,
Dont 44 continuent à monter la garde
En terre coréenne, au cimetière
Des Nations Unies à Pusan,
Tel fut le sacrifice consenti.
Ils sont morts parce qu’ils étaient tous
Des volontaires, au sein d’une unité
Dont ils avaient écrit la légende
Avec leur cœur,
En lettres de sang.