Volontaires
d'aujourd'hui... Volontaires de demain ?
= 1939 - 1945 =
WENDLING Eugène
Histoire d’Eugène Wendling, un "Malgré-nous"
Eugène Wendling est né le 18 avril 1922.
Lorsqu'en Russie,durant la deuxième guerre mondiale, la Wehrmacht subit ses premiers revers et que son potentiel humain s'amenuisa, il lui fallut du renfort. Le gauleiter Robert Wagner le lui fournit par un décret du 25 août 1942, en soumettant tous les jeunes Alsaciens et Mosellans au service militaire obligatoire dans l'armée du Reich. Ainsi débuta l'incorporation de force qui sera une des grandes catastrophes de l'Alsace, car plus de 40.000 de ses enfants y laissèrent la vie.
La tombe d'Eugène Wendling
Envoi de Jerôme Kauffmann,
"Alte Krieger" Souvenir français
Mon grand-père, âgé de 20 ans à l'époque, exploitait la ferme familiale à Morschwiller. La France était occupée. Il reçut l'ordre, comme ses camarades d'âge, de rejoindre l' "Arbeitsdienst", le service du travail obligatoire : ne pas y aller, signifiait mettre sa vie et celle des membres de la famille en péril. Il s'exécuta et rejoignit Haguenau le 2 octobre 1942 pour une destination im "Heimatsland", ce qui signifie « dans la patrie ». A Haguenau même, il se fit arrêter par la Gestapo, car il avait salué un convoi de prisonniers français.
Il fut envoyé pendant six semaines au nord-est de l'Allemagne, près de Rostock dans la région du Meklenbourg pour la première phase de l'Arbeitsdienst où il se retrouva mêlé à des Alsaciens et Allemands. Durant cette période, on ne maniait aucune arme, mais on aidait la population locale à subvenir au manque de main d'œuvre, on leur inculquait discipline et obéissance strictes.
Mon grand-père bénéficia d'une permission pour Noël 1942 et c'est avec beaucoup d'émotion qu'il me raconta son retour à Morschwiller dans un village réduit à l'obscurité et sa rencontre, à la sortie de la messe de minuit, avec sa mère.
Il entra dans la Wehrmacht en janvier 1943 pour une période nommée "Ausbildungszeit". Il séjourna d'abord à Ludwigsbourg (près de Stuttgart) pour une préparation militaire im "Heimatsland", puis en Russie dans le cadre des forces d'occupation, où pour la première fois il dut participer à des actions militaires, comme la "Partisanenjagd", la chasse aux partisans..
Il bénéficia, après ces trois mois, d'une permission de dix jours avant de rejoindre comme "Ausgebildertersoldat" le front russe qui se situait dans l'actuelle Lettonie. L'armée allemande était déjà en retraite. Blessé (Oberschenkeldurchschuss) et malade de la dysenterie, il rejoignit en Allemagne une "Genesungscompagnie" avant de bénéficier de quelques jours de congé en Alsace.
On l'envoya une seconde fois sur le front russe dans la 6e armée reconstituée après la défaite du général Paulus à Stalingrad. C'est là que l'horreur de la guerre fut totale et que plusieurs fois mon grand-père dut sortir son mouchoir pour me raconter les épisodes de cette armée en retraite, les morts, les blessés laissés sur place, les mutilés. Plusieurs fois, il vit la mort en face, particulièrement quand ils furent par trois fois encerclés par les Russes.
Malade, sujet à de fortes diarrhées, il réussit, tant bien que mal, à faire reconnaître sa maladie, malgré la méfiance de ses supérieurs allemands. Il fut même interrogé par le "ÖKV Feldjäger" unité spéciale pour démasquer les déserteurs et les éliminer. Il put rejoindre une nouvelle "Genesungscompagnie" en Allemagne à Schöenberg. Mon grand-père se souvient que c'était au moment de l'attentat contre Hitler: on obligea alors tous les soldats blessés ou malades à défiler dans les rues en l'honneur du Führer.
Il revint en France, mais on l'expédia aussitôt en Normandie, suite au débarquement allié du 6 juin 1944. Il traversa le Luxembourg, la Belgique pour entrer en France par Lille, Tourcoing, Arras et rejoindre le "Westfront" et se trouver dans la même situation qu'en Russie, c'est-à-dire au sein d'une armée qui tente de freiner l'avancée des forces ennemies, mais qui est contrainte à reculer. Le rôle de mon grand-père était de faire le traducteur avec la population pour assurer l'intendance de ses supérieurs. Mais une seule idée hantait l'esprit de mon grand-père : déserter, passer chez l'ennemi, arrêter la guerre, vivre ! La première tentative échoua, car sa compagnie dut partir vers 15 H d'un village où il avait organisé sa désertion pour la soirée. Pour son deuxième essai, il se confia à un curé français, mais celui-ci ne lui apporta aucune aide; il devait se méfier de ce soldat allemand parlant français.
C'est dans un village nommé Airaines qu'il tenta de trouver parmi la population locale de l'aide pour quitter l'armée allemande. Il alla chez un restaurateur pour commander deux poulets et des patates pour ses supérieurs. Il s'adressa donc à cet homme en lui racontant brièvement son passé. Celui-ci lui promit de l'attendre le soir. Mon grand-père attendit le moment du départ de sa compagnie pour rejoindre la porte arrière du restaurant où il toqua en prononçant un code défini avec le restaurateur "je suis le soldat". La porte s'ouvrit et pour mon grand-père ce fut la clef des champs. Il eut beaucoup de chance, car le restaurateur était en fait le chef des FFI (Forces Françaises de l'Intérieur). Celui-ci dut le protéger, car à l'arrivée des Américains, la population locale voulait détruire tout ce qui était allemand et mon grand-père faillit se faire tuer par un membre de la Résistance qui lui pointa sa mitraillette sur le ventre.
Le restaurateur ne put lui fournir des vêtements civils, il n'en avait pas le droit. Il le livra donc aux Américains. Il rejoignit d'autres prisonniers allemands et fut emprisonné dans un camp à ciel ouvert en Angleterre. Là, il fut séparé des Allemands, jusqu'au moment où on demanda des volontaires pour entrer dans l'armée française. C'est ce qu'il fit en novembre 1944. Il rejoignit Paris où les affectations se succédèrent : Gare de l'Est – Ecole Militaire – Fort de Vincennes.
La fin de la guerre, le 8 mai 1945, annonça pour lui un retour rapide en Alsace. Fin mai, il retrouva Morschwiller où il reprit l'exploitation de ses parents.
Mon grand père mourut le 1er septembre 2004, à l'âge de 82 ans.
Son frère eut moins de chance : soldat dans l'armée allemande, il fut blessé et emprisonné par les Russes dans le tristement célèbre camp de Tambov. Il rejoignit cependant l'Alsace bien plus tard, très affaibli.
Histoire racontée par Arnaud le petit-fils de Monsieur Eugène Wendling.