Les sous-marins
Bouchor Joseph-Félix
Dunkerque, décembre 1916 Musée national Blérancourt
Marine
Nationale
The Navy
Les forces d'action navale
Evolution technologique des submersibles et sous-marins
Des engins discrets et redoutables...
Le globe terrestre est recouvert d’eau sur les quatre cinquièmes de sa surface. Les hommes ont très tôt utilisé des embarcations, puis des navires, pour pouvoir commercer et relier les pays entre eux.
Les belligérants, par la suite, imaginèrent très vite de se dissimuler sous les eaux pour porter des coups aux navires de surface. Léonard de Vinci eut le premier l’idée d’attaques sous-marines et conçut un scaphandre.
Des débuts difficiles…
Mais c’est la guerre d’indépendance américaine qui donne le coup d’envoi de l’arme sous-marine. David Bushnell invente le Turtle, dont la forme rappelle celle de deux carapaces de tortues accolées; manoeuvré à la main et au pied par un seul homme, le Turtle se fait connaître, en 1776, par une attaque manquée de la frégate anglaise l'Eagle au mouillage.
Un quart de siècle plus tard, en 1800, un autre Américain, Robert Fulton, plonge dans la Seine son Nautilus; en surface, ce submersible navigue à la voile et, en plongée, à la force musculaire, par l'intermédiaire d'une hélice.
Marine à voile... et sous-marine à bras...
Pendant la guerre de Sécession, les Sudistes réalisent les " David ", encore propulsés à bras et toujours conçus pour attaquer les navires de blocus de la flotte fédérale; chaque " David " est armé par un commandant et huit hommes d'équipage, essentiellement chargés de faire tourner l'hélice par l'intermédiaire d'une longue manivelle.
Les « David » noient 35 hommes avant de couler l’ « Housatonic ». L’on dit que les " David " ont noyé trente-cinq hommes avant que l'un d'eux ne parvienne, le 17 février 1864, à couler la corvette en bois Housatonic, mais son succès même l'envoie par le fond, à côté de son adversaire…
Tant que le moteur n'aura pas remplacé la force musculaire, le submersible ne sera pas un engin de guerre capable de naviguer. Or le moteur n'apparaît qu'en 1860, sur le « Plongeur » du capitaine de vaisseau Pierre-Joseph Bourgeois, de la marine française; il fonctionne à l'air comprimé, mais l'équilibre du navire en plongée n'est pas résolu, et c'est un échec.
Il faut attendre encore quelques années pour qu’en 1881, aux États-Unis, un inventeur d'origine irlandaise, John Philip Holland, construise son troisième bateau, le Holland III, d'un poids de 19 t, équipé d'un moteur à pétrole de 15 chevaux pouvant fonctionner, en plongée, à l'air comprimé, et équipé de ballasts et de gouvernails de plongée à l'arrière; c'est un grand progrès, mais se pose alors très sérieusement le problème de l'armement offensif, auquel le Britannique Robert Whitehead apporte la solution avec sa torpille automobile à air comprimé.
Les Français et le "tout électrique"
En France, les ingénieurs de la marine Henri Dupuy de Lôme et Gustave Zédé, soutenus par l'amiral Hyacinthe Théophile Aube, alors ministre de la Marine, créent le Gymnote (30 t), lancé en 1888, équipé, cette fois, d'une nouveauté prometteuse : un moteur électrique de propulsion alimenté par une batterie d'accumulateurs. Puis c'est le tour du Gustave Zédé, de 266 t, lancé en 1893, après la mort accidentelle de l'ingénieur éponyme.
L'année 1899 est marquée par les succès du Morse, en France, et du Holland VIII, aux États-Unis, tous deux officiellement reconnus comme de véritables navires de guerre, en dépit d'un rayon d'action dérisoire. La réussite la plus complète, et de loin, est celle du célèbre Narval de Laubeuf, mis en chantier en 1898.
Les Allemands inventent le moteur Diesel
En 1897, l'ingénieur allemand Rudolf Diesel invente le moteur qui porte son nom, à combustion interne, d'un excellent rendement. Consommant du gazole, carburant qui, à l'inverse de l'essence, ne dégage pas de vapeurs explosives, ce moteur apporte la solution du problème de la propulsion des submersibles, et toutes les marines l'adoptent rapidement.
En 1914, on compte, dans le monde, une majorité de submersibles équipés de moteurs Diesel (les pirogues) ; de 1914 à 1918, les Allemands en construisent 343, lesquels, en participant aux combats, détruisent 19 millions de tonnes de navires de commerce alliés, au prix de 178 submersibles coulés.
Une arme terrible
Avec les progrès technologiques, les submersibles deviennent une arme terrible...
Les submersibles des marines mondiales ne diffèrent pas sensiblement des réalisations allemandes de la fin de la Grande Guerre ; toutefois, leurs performances et leurs armements ont sensiblement progressé pendant les deux guerres, l'avènement en 1943 du schnorchel, marquant une étape vers la réalisation du vrai sous-marin.
Le schnorchel est une manche à air rétractable, d'environ 8 à 10 m de long, munie d'un clapet étanche se fermant et s'ouvrant automatiquement au passage des lames. Il permet aux submersibles allemands, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, de recharger leurs batteries en plongée à faible immersion. Tous les submersibles sont propulsés, en surface, à une vitesse de 12 à 18 noeuds, et, en plongée, à une vitesse pouvant atteindre 10 noeuds pendant une heure.
Cependant, dans les tout derniers jours de la Seconde Guerre mondiale, les submersibles allemands « anaérobie » du type " XXVI " sont capables de naviguer en immersion pendant une heure à 17 noeuds. Durant cette guerre, c'est surtout à l'aviation alliée que les Allemands doivent de payer beaucoup plus cher leurs succès ; pour 15 millions de tonnes de navires de commerce alliés coulés, ils perdent 784 submersibles (après en avoir construit 1 162, de 1939 à 1945). À l'exception du Surcouf, de 3 250 t en surface et 4 500 t en plongée, tous les submersibles ont des déplacements compris entre environ 250 t et 2 800 t en surface ; leur armement se compose de torpilles et de canons, voire de mines sous-marines.
Tous les submersibles se maintiennent en surface grâce à la flottabilité que leur procurent les ballasts, alors vides, représentant 20 % environ du déplacement du bâtiment. Ces ballasts sont munis, à leur partie basse, d'un orifice de remplissage toujours ouvert à la mer, et, à leur partie haute, d'une purge manoeuvrable à distance. À l'ordre de plonger, on ouvre les purges, les moteurs Diesel sont stoppés, et les moteurs électriques mis en marche ; les ballasts se remplissent rapidement et, dès que la flottabilité du submersible devient nulle, ce dernier plonge, hydrodynamiquement, ses barres de plongée étant convenablement orientées.
Des réservoirs d'eau de mer - les caisses d'assiettes et de réglage - permettent d'ajuster avec précision l'équilibre du navire dans le plan horizontal on referme alors les purges. Pour modifier l'immersion, il suffit de manoeuvrer les barres de plongée, commandées à distance, depuis le poste central. Pour faire surface rapidement, une chasse d'air comprimé à haute pression, stocké dans de grands réservoirs, expulse en partie l'eau des ballasts ; l'accès à l'air libre permet alors d'achever la vidange des ballasts, soit par les gaz d'échappement des moteurs Diesel mis en marche, soit au moyen d'une turbosoufflante.
La propulsion, en surface ou au schnorchel, est assurée par une ou deux hélices couplées à un ou deux moteurs Diesel. En plongée, les moteurs électriques sont alimentés en courant continu par de grandes batteries d'accumulateurs, qui seront, par la suite, rechargés par l'intermédiaire des moteurs Diesel.
Les instruments de navigation d'un submersible moderne sont soit optiques (les périscopes), soit électromagnétiques et électroniques le sonar, le (radar et le sondeur). Le périscope est un tube étanche, en acier, d'environ 25 cm de diamètre, long d'environ 9 à 15 m ; il est doté d'un système optique approprié ; l'oculaire peut recevoir une caméra. L'orientabilité du prisme permet l'observation zénithale des avions ou des astres (pour faire le point). Enfin, un télémètre optique complète le périscope.
Les submersibles sont armés de torpilles, lancées par des tubes fixes, à l'avant et à l'arrière du navire, conservées dans les tubes eux-mêmes ou à l'intérieur du navire (torpilles de réserve). Certains submersibles peuvent être armés de mines. Très souvent employés pendant les deux guerres mondiales, les canons ont presque disparu au cours de la seconde, car le submersible, aussitôt détecté par les radars des navires anti-sous-marins et surtout par les avions, ne pouvait plus demeurer en surface pour s'en servir.
L'avènement des sous-marins nucléaires
Avec l'invention de la propulsion nucléaire, le nombre des submersibles dans le monde n'a cessé de décroître, au profit des sous-marins. Le premier vrai sous-marin est le Nautilus de la marine américaine, qui, le 17 janvier 1955, effectua sa première plongée en route libre, mû par l'énergie d'un réacteur nucléaire. Parallèlement, des essais avec un submersible modifié ont permis de définir les meilleures formes de coque pour un vrai sous-marin, sans avoir à prendre en considération les exigences de la navigation en surface.
Le sous-marin nucléaire moderne possède une coque en acier spécial, résistant à une immersion d'au moins 300 m. C'est un navire d'un tonnage important - 4 500 t de déplacement en plongée pour les sous-marins d'attaque britanniques Fleet Submarines, 2 670 t pour les SNA (sous-marin nucléaire d'attaque) français comme le Rubis, 9 000 t pour les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE), comme le Redoutable ; les plus récents lanceurs d'engins américains de la classe " Ohio " atteignent 19 000 t, et le dernier bâtiment russe analogue déplace plus de 20 000 t en plongée.
Le coefficient de flottabilité en surface du sous-marin est inférieur à celui du submersible, et ses formes l'apparentent à un grand cétacé. Certaines unités atteignent la vitesse de 35 noeuds, qu'elles peuvent soutenir quel que soit l'état de la mer, avantage non négligeable par rapport aux bâtiments naviguant en surface.
Des lévriers des mers, véloces et mordants
Le sous-marin nucléaire plonge et navigue en immersion comme un submersible. Mais la supériorité du sous-marin s'affirme dans plusieurs domaines : tout d'abord, son indépendance complète de la surface durant des mois entiers de navigation, n'étant plus contraint de s'en rapprocher afin de recourir à l'air extérieur pour utiliser ses moteurs ou pour renouveler l'atmosphère respirable du bâtiment.
Ensuite, il possède un rayon d'action considérable, environ 5 000 fois plus important que celui du submersible ; un confort qui paraît inouï à tous ceux qui ont connu les submersibles de la dernière guerre ; enfin, des moyens de navigation remarquables, notamment les centrales à inertie, qui enregistrent la moindre accélération ou décélération pour entretenir constamment un point estimé extraordinairement précis.
Le sous-marin d'attaque (SNA) joue un rôle analogue à celui des submersibles les plus récents, avec un armement de torpilles complété par des missiles lancés en plongée.
Le SNA est un adversaire extrêmement dangereux pour tous les navires de surface, si puissants et si rapides soient-ils. Le sous-marin lanceur d'engins balistiques stratégiques, comme par exemple le Redoutable de la marine française, chargé d'exercer en permanence le rôle de seconde force de frappe, est armé de 16 missiles (MSBS, mer-sol balistiques stratégiques) à charge nucléaire mégatonnique, lancés en plongée ; il possède, par ailleurs, son propre système de défense - quatre tubes lance-torpilles et des torpilles de réserve. Le sous-marin lanceur d'engins représente l'ossature de la force de dissuasion nucléaire française.